Inland empire de David Lynch

Publié le par helel ben sahar

Il y en a encore qui s’acharne à comprendre un film de David Lynch. Qui tente de percer tous les mystères ou chercher la moindre explication. Trouver les réponses à toutes signification, deviner le geste, dévoiler la raison. Le réalisateur ne cesse de répéter que l’exercice est surtout futile, ses films sont avant tout sensitifs. Qu’ils ne s’adressent directement au cerveau, mais à tout le corps. Inland empire à première vue représente le caractère le plus drastique de sa démarche. Un procédé poussé à l’extrême, un film abstrait où seul l’émotion ressentie est essentiel. On plonge dans Inland empire comme à l’intérieur d’un cerveau-monde régi par des lois différentes. Où les histoires s’imbriquent les unes dans les autres, sans logique apparente, au grès des envies conscientes ou inconscientes. Un jeu de montage, où des séquences éparses apparaissent par enchantement, comme un grand désordre. Cette multiplication de pièces rapportées constitue un puzzle géant, une œuvre en toile d’araignée. On se sent un peu piégé, et plus on se débat, plus l’emprise est puissante. Il faut se laisser aller, laisser porter par les images. Réfréner nos pulsions intuitives de raisonnement. Au risque parfois de se perdre, de ne plus savoir où donner de la tête et feindre l’étouffement.

Et si nous étions demain. La première fois que l’on entend cette sentence, le film vient à peine de débuter et déjà on ne comprend pas très où l’on est, pourquoi, comment. Toutes les questions qui viennent naturellement et que l’on doit se forcer de rejeter au risque de voir le plaisir gâché. Un dialogue nous prévient, dans un langage un peu codé, l’annonce diffuse de ce qui nous attend. Il nous donne un angle d’attaque pour pénétrer l’univers de Inland empire. Et tout le film de se reposer sur un complexe du présent. Dégénérescence du passé, frustration du présent ou anxiété de l’avenir. A l’image du montage qui mélange allégrement les différents couches du temps. Comme de la peinture jeté au sol, se recouvrant, s’annulant et donnant de nouvelles couleurs. Inland empire est un voyage où le temps est une donnée abstraite et non linéaire. Où la réalité se mélange à la fiction d’un tournage dans une mise en abyme paroxystique.

David Lynch semble nous projeter une image de son inspiration sans autre ornement que leur représentation brute. L’utilisation de la DV, dans cette image un peu crade, mais libérée de toute lourdeur, devient inévitable comme le prolongement parfait de l’œil de l’artiste. Une image agressive qui nous violente, nous perturbe et ne se dévoile jamais totalement malgré son aspect décharné. De cette simplicité formelle naît justement la richesse incroyable d’un univers. Le noyau de l’inspiration, grotesque et sensuel, démesuré, déstructuré, maltraité et malmené par le cerveau d’un artiste génial. Victimes de son art, nous aimons nous prostrés dans l’abstraction, théâtre chaotique de sons et d’images. La raison proscrite de cet ensemble faussement anarchique continuera de hanter les plus réfractaires ou têtus. Alors que l’on peut tout simplement se satisfaire des sens quand d’autres continuent de découvrir le sens.

Publié dans Cinéma

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