Si je m'enterre, voudras-tu te noyer avec moi ?

Publié le par helel ben sahar

Si je m’enterre, voudras-tu te noyer avec moi ?

 

Lorgnant du côté de l’obscure, les mains dans les poches. Mes pieds se traînent. Ils glissent sur le sol. Des nuages de poussières m’enveloppent. Je me sens rassuré, le temps de ces secondes suspendues. Masqué face aux ténèbres. Mes lèvres me brûlent. La soif s’échappe par chaque pore de ma peau. Elle glisse, furtive. Elle se consume. Je suis un incendie. Un brasier. La mèche et la cire. La voix dans le vide. Et les cris désespérés se cachent sous l’effort. Ils attendent, tapis dans l’ombre. Le mal dans la chair meurtrie s’évapore. Finalement les sons se voilent dans le noir. Ils ne ressemblent à rien. Ils ne représentent rien. Je les rejette, je les expulse. La cacophonie sourde et ambiante ne peut résister à mes complaintes. Je suis le chant de la sirène. Et j’amène la folie avec moi. Cette douce démence. Un souvenir de mon passage. La flûte est mon arme à moi aussi. Je les accompagnerai dans la mort. Je les mènerai à ce puit sans fond. Et tous se jetteront parce que c’est ainsi. Parce que c’est écrit. Parce qu’il ne peut en être autrement. Sans faux j’exerce cette fascination. Ma démence m’accompagne et m’illusionne.

 

Quatre murs tout autour. Un enclos de béton. Une prison, un refuge. Un tombeau. Sous les graviers et le sable. Quelle guerre est passée par là ? Quelle victoire, quelle défaite ? Les morts grattent les murs. Leurs doigts s’effritent contre les parois de pierre. Je piétine des corps décomposés. De la terre à la terre. Je marche sur des morts. Mes mains seront leur urne. Le berceau de leur salut. Et le risque de les perdre. De les laisser filer entre mes doigts.

 

Aurore boréale. Les couleurs explosent dans le ciel. Un feu d’artifice de couleurs. Mille arcs-en-ciel déployés. Et ces doux reflets éclairent ma face livide. Le temps suspendu par les fils du ciel. Invisible. Pantins animés par la grâce. Le théâtre est ouvert, le public nombreux. Pour assister à la fin d’un règne. L’ultime déchéance. Les jeux de lumières naturelles, les faisceaux balayent mon visage. Leur teinte est un chant. Une funeste chanson. Et je me réveille changé. Une rage nouvelle me laisse seul. Je les vois qu’ils m’observent. Nouveau dans l’existence. Si loin que je pourrai les toucher des doigts. Je passe la porte. Pas assez de temps pour la suite. Pas assez de temps pour la suite. Séparé du monde. De cette vie dont je suis l’acteur. Dans l’intensité du moment. Dans la perfusion du fil continu. Les terres se soulèvent. Les enfants sont dans les plaines. Ils ne dorment pas ce soir. Mais tout ira bien, qu’ils disent. Mais je ne peux les attendre. Ceux qui m’éloignent de qui de quoi. Ces pensées bataillent en moi. Suis-je le seul à blâmer ? Scruté dans l’ombre. Dans l’indifférence. Cette politesse sournoise qui m’empoisonne.

 

Je respire. Ce souffle ardent s’est enfui. Le ronronnement d’un cœur m’accompagne dans ces quelques mots. Mais la chute s’annonce. Elle résonne. La liberté était éphémère. Parce que tout à déjà commencé. Rien ne sert de changer tellement je ne saurai par où commencer. Tout ce que je sais. Je ne pourrai retrouver cette chambre. Cette pièce où je pourrai m’enfuir. Du côté de personne. Tout autour de moi, les gens parlent d’amour. Ils se prétendent ma compagnie. Comme une nation naissante. Tout arrivera tout ou tard. Sans cette limitation limitée. Où qu’ils soient à courir ? A côté de quiconque. La rage s’exerce. Une mutation irréversible. Monstrueuse et pourtant si belle dans cet abandon qui l’accompagne. Main dans la main, enchaîné par l’adversité. Courir et se cacher. Là où il ne restera plus personne. Compter la dernière histoire. Réciter les dernières prières. S’adresser à celui ou à celle. Partir sans rien regretter. Au bord du précipice, les deux pieds dans le vide. Le courage de l’envol.

 

Sur ce sol si fragile. Béant, ce trou est pour moi. Dis-moi. Si je m’enterre, voudras-tu te noyer avec moi ?

Publié dans Memento Mori

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A
Toujours autant de talent pour l'ecriture !<br /> C'est superbe :'(
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N
Oui...<br /> <br /> Merci pour ces mots qui me collent le frisson à chaque fois.
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H
Merci de les lire...