Les héros parfaits sont-ils chiants ?

Publié le par helel ben sahar

Les héros parfaits symboliseraient une forme d’exaspération par leur dimension uniforme qui n’invoque jamais l’erreur ou presque. Alors que leurs opposés, par leur utilisation de la morale toute personnelle provoqueraient la fascination. Ces dernières années, c’est d’autant plus flagrant. Au sein des X men quel personnage attire l’attention ? Wolverine ou Cyclope ? Quel héro préfère t-on ? Batman ou Superman ? Sans se cantonner essentiellement au domaine super héroïque, on peut aussi voir dans les séries aujourd’hui, une passion impressionnante pour des personnages comme Jack Bauer, Vic Mackey, Dexter ou même House. Des héros qui n’hésitent pas à franchir les frontières de la morale comme de la légalité pour arriver à leurs fins. Et cette propension à créer un engouement quasi général.

Vic Mackey de The Shield et Jack Bauer de 24 sont les fers de lance de ce mouvement au sein de la télévision. Ils ne sont pas les premiers à avoir été créés, mais les seuls à soulever autant de passion. On peut penser à Jim Profit dans la série éponyme, qui n’a malheureusement pas trouvé son public (il faut dire qu’un ersatz de Bateman n’est pas évident à faire passer), mais on peut également citer Tony des Sopranos qui incarne parfaitement cette idée. Oz reste un exemple probant, de mettre en scène des salauds notoires en leur donnant les premiers rôles. L’anti-héro, le mauvais garçon exerce un pouvoir bien plus séduisant. Vic Mackey illustre la force et la brutalité, celle qui résonne comme un coup de point. Grande gueule et possédant un charisme imposant. Dès qu’il entre dans une pièce, dès qu’il pénètre dans une scène, il accapare l’attention. Parfois d’un seul regard, il parvient à tenir en respect tout spectateur. Cette incarnation de la puissance a de quoi séduire, et lorsqu’elle s’exerce dans le cadre de l’illégalité, cela ne semble pas choquer grand monde. Et Vic c’est ce flic qui n’hésite pas à se salir les mains pour faire régner l’ordre. Vigilante et calculateur car il profite aussi du crime qu’il combat. La prise de connaissance du personnage dans le pilot ne laissait aucun doute sur le bonhomme. Il tue un policier trop curieux pour sauver sa peau et celle de son équipe. Le héro d’une série télé est un tueur de flic, et flic lui-même. Et si cette part monstrueuse est atténuée par la suite, le fantôme de cette exécution planera sur toute la série. Jack Bauer, c’est une autre histoire. Incarnation nouvelle du super héro, il est à la fois la figure héroïque des USA, sauveur du monde, mais aussi sa part sombre lorsque la fin justifie toujours les moyens. Le genre de héro que l’on aime exhiber, malgré la honte générale de ses méthodes que l’on préfèrerait taire. Parce que Jack torture, tue, se fiche des règles car il n’a tout simplement pas le temps. La force de la série se trouve effectivement dans son concept de temps réel, d’une action défilant en compte à rebours où la vie de la nation se joue en quelques heures.

Dexter est différent, sociopathe recueilli enfant par un policier qui tentera de façonner le garçon en dirigeant ses instincts meurtriers vers des gens qui méritent une exécution, mais ayant échappés aux mailles du filet de la justice. Là encore, on est dans le domaine du vigilante, de l’homme tentant de se faire justice lui-même. Là où Dexter innove, c’est uniquement dans le caractère détaché du personnage, qui abat ses victimes en y prenant plaisir, sachant qu’elles ne représentent rien d’autre que de la chair à tuer. Si la morale existe dans le geste du tueur, elle ne tient aucune place dans son esprit. Pour House, l’histoire n’est évidemment pas aussi catégorique, puisque son rôle est de sauver des vies. Et comme pour Jack Bauer, la fin justifie les moyens. Amoral, cynique, misanthrope, anarchiste, odieux, il représente l’archétype du salaud dépourvu (en apparence) de la moindre émotion. Malgré tout, il reste un médecin exceptionnel qui sauve des vies, et cette distinction excuse tout débordement ou caractère abject.

A côté de ce mouvement, on peut noter des caractéristiques proches de l’anti-héro, mais dans un schéma plus policé, acceptable. On les retrouve dans les séries CSI ou Without a trace. Horatio Caine représente l’autre incarnation du nouveau super héro américain. Nourri d’une compassion à porter la misère du monde sur ses épaules, il arrange les règles à sa mesure pour exercer son devoir. Et lorsqu’il brave l’autorité, son aura s’en trouve agrandi, magnifié. Il ressort toute la grandeur de son âme, sacrifiant sa carrière au profit d’une victime. Et de le voir franchir les limites de la légalité pour venger la mort de sa femme ou de son frère, le personnage gagne une puissance rarement atteinte. Grissom de son côté est bien plus mesuré. Si sa représentation est plus proche du héro parfait, il n’en demeure pas moins nuancé dans sa capacité à rejeter l’autorité lorsque sa moral ou son éthique sont malmenées. Une vision sacralisée de son métier où l’aspect politique n’existe pour ainsi dire jamais. Malone dans Without a trace ne fascine que lorsqu’il mène la barque à sa manière, sans ce soucier des retombées de ses dérapages. Gibs dans NCIS repose sur un schéma identique, composant avec une forme d’anarchie dans l’élaboration de ses enquêtes et sa relation avec l’autorité ou toute démonstration de pouvoir dominateur. Comme un leitmotiv, la fin continue de justifier les moyens.

La liste est longue et l’on pourrait continuer longtemps ainsi. Mais ici, il est seulement question de mettre en lumière une direction prise il y a quelques années, et qui n’a jamais aussi bien portée ses fruits qu’aujourd’hui. Loin d’être une simple mode, c’est devenu un courant principal qui s’exerce dans tous les domaines. Aujourd’hui il est devenu presque impossible d’imposer une figure héroïque à l’image de Superman, trop lisse, trop parfaite. Réprimant l’envie de les voir bousculer dans leur morale immuable, on assiste à leur petite mort. Heureusement, il suffit qu’un talentueux réalisateur les déterre pour oser admettre qu’eux aussi, ont droit à l’existence. Même si l’on continuera de préférer Batman à Superman, Vic Mackey à Claudette, ou Jack Bauer à…

Publié dans Humeur

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