Parental control

Publié le par helel ben sahar

La télévision américaine regorge de concepts, encore inédits chez nous, incroyables, repoussant un peu plus les limites que la raison impose d’ordinaire. On se souvient de l’émergence de la télé réalité sur les chaînes françaises et le squat qu’elle effectua sur les antennes. Bien que l’on sente un léger retrait ces deux dernières années, le genre a tellement marqué les consciences et les audiences, que l’on retrouve aujourd’hui au moins deux ou trois show issus de la télé réalité. Mais ces émissions étaient encore bien timides comparées à ce que l’on peut trouver de l’autre côté de l’atlantique. Parental Control est une émission destinée aux parents qui n’aiment pas le petit ami de leur fille. Le concept leur donne la possibilité d’auditionner plusieurs candidats afin de trouver le gendre idéal.

On est en présence d’une régression des mœurs et du retour à une forme non officielle des mariages arrangés par les parents pour leur fille. Bien que le résultat soir plus futile dans l’absolu, on peut tout de même s’interroger sur la pertinence d’une telle démarche sinon banaliser tout esprit rebelle chez l’enfant. Evidemment, il pourrait exister quelque chose de sain dans l’inquiétude éventuelle de voir sa progéniture dans les bras d’un potentiel mauvais garçon. Tous les parents sont inquiets pour leurs enfants, c’est tout naturel. Mais qu’ils exercent leurs craintes et leur droit parental par le biais de la télévision laisse pensif quant à la sincérité de leur démarche.

Parce que l’émission joue – évidemment – une carte relativement perverse. Non seulement, elle donne le pouvoir aux parents d’obliger leur fille à essayer un nouveau petit copain (rien que l’énoncé d’une telle phrase est surréaliste), mais elle apporte également le privilège sadique d’observer cette première rencontre en présence du petit ami sur la sellette. Où comment lui imposer le spectacle cruel de sa fin en devenir. Quoi de plus barbare que de voir sa copine « dans les bras » provisoires d’un autre qui a reçu l’aval des beaux parents ? Le motif de la comparaison, le dénigrement contre l’encensement, impose  un jeu jouissif s’il n’y avait pas ce caractère nauséabond qui se dégageait de l’ensemble. De voir le copain soumis à la projection d’une défaite en puissance, d’une lutte injuste où il ne peut combattre avec des armes similaires, obligerait à prendre partie, bien qu’il ne soit pas non plus tout à fait blanc dans l’histoire.

Ce procédé appuie un peu plus les parents à devenir une incarnation familiale de Big Brother. Etre capable de surveiller sa fille jusque dans ses relations intimes franchit les limites d’une liberté individuelle, qui, si elles sont restreintes de par son jeune âge, existent néanmoins. Dans une Amérique déjà bien amputée, après le 11 septembre, de ses privilèges, une telle démarche, s’ancrant dans réalité quotidienne d’une famille sans histoire, oblige à la réflexion. Masqué par un ludisme évident qui voudrait que l’on ne prenne pas tout au sérieux, l’idée d’un contrôle total et absolu sur le futur de leurs enfants, en lui fournissant un choix de petits amis convenables et approuvés, fait le jeu d’un gouvernement anoblissant les libertés de chacun pour les faire entrer dans un moule bien défini où les possibilités de mauvaises surprises comportementales sont réduites à zéro. Il ne reste plus qu’à créer une nouvelle émission faisant suite à celle-ci, sur les échecs amoureux imputés aux relations arrangées par les parents.

Publié dans Humeur

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